vendredi 6 novembre 2015

Munacia, Aullène... à ceux que ça intéresse, tentative pour comprendre



Audjè/Munacia
Aullène/Monaccia



La plage blanche




Les panorama de chacun des villages jumeaux de Munacia d'Aullène et d'Aullène –le premier en bord de mer, le second sur les flancs de l'Incudine- offrent au promeneur inattentif une illusion de quasi-virginité naturelle commodément taxée de 'sauvagerie'. Pourtant, dans ces deux lieux, a vécu, alternativement, au gré de la double transhumance, une population abondante et laborieuse qui a modelé ces paysages. Témoignent de cet ancien mode de vie, à Munacia, des restes des sillons signalés par les touffes de vesces, l’olivier envahi par le sauvageon ou le lentisque élevé pour servir d’abri au soleil et au vent ; à Aullène, des châtaigniers malades et une douzaine de jardinets, en culture l'été, éparpillés dans le maquis montagnard. Autant dire un sentiment d'abandon propre à donner corps à tous les stéréotypes et pour les plus ouverts des visiteurs une page blanche offerte à tous les besoins d’étrangeté. Tout un chacun est facilement enclin à inscrire, dans ces lieux, de son propre imaginaire, avec comme corollaire les conséquences sur l'identité originelle des populations locales. La population corse n'est pas passée en vingt ans, sans raison, d'un patriotisme français en apparence inébranlable à cette attitude marquée de désarroi perplexe et de circonspection fragile. Il y a ainsi une conscience profonde de faire partie d'un peuple à l'identité fortement marquée et une vulnérabilité évidente dont les racines sont à découvrir.
Il aurait peut-être fallu, pendant ces heures tragiques, donner quelque peu de la voix pour ne pas laisser tout le champ identitaire ouvert, ce champ que je ne peux mieux définir que comme une  page blanche. Est-il trop tard pour bien dire ? Le pouvoir au bout du stylo ! on en rêverait, d'une parole indélébile qui tienne perpétuellement la raison en éveil. Mais comment procéder à une réappropriation concrète de ce qui relève d'un imaginaire tourmenté par les évènements ? comment remplir ce vide ?
Je proposerais pour ma part de commencer par un peu d'histoire, autant pour établir des repères temporels que pour faire apparaître les points essentiels du substrat social et identitaire des corses.


Quelques données de départ

On rappelle généralement la présence de Gènes en Corse à  partir du 13ème siècle sans mesurer ce que la Superbe République, par une politique strictement fiscale et de très compréhensible opposition à toute tentative féodale, a permis de conserver –voire de renforcer - de traits des anciennes sociétés tribales et gentilices qui habitaient l'île. Je ne sais de quel moment date le relais des communautés piévanes et villageoises aux tribus et 'gens'1 de l'origine. Quoiqu'il en soit le plus simple pour Gênes c'était encore d'utiliser, en le contrôlant, ce mode de fonctionnement. Il en fut ainsi de l'ancienne propriété collective du sol, des assemblées des communautés villageoises -l'arringu2- ou  même de l'explosion criminelle tout au long l'occupation génoise, de la justice gentilice, la vendetta.
Ce système a fonctionné jusqu'au milieu du 17ème siècle. C'est le moment où la Superbe, engluée dans une vision strictement banquière et fiscale, perd de sa puissance. La conjonction des  progrès de l'agriculture et des besoins monétaires urgents pousse Gènes à promouvoir une agriculture plus rentable que l'activité jusque là à dominante pastorale. Cela ne peut se faire sans dégâts. La mise en place de la nouvelle économie –basée sur la plantation massive des 'cinq arbres', vigne, châtaigner, olivier, noyer, figuier- nécessite la constitution d'exploitations foncières privées.
Le lecteur peut imaginer l'impact de ce brutal revirement. Les populations montagnardes, qui vivaient sur un mode pastoral dominant, sont privées de terrains de pacage et de leurs droits de passage. De tout cela résulta une agitation qui affecta l'île dans sa quasi-totalité. Dans l'extrême sud en particulier les populations de la Rocca et d'Alta-Rocca descendirent occuper les plaines de bord de mer, sous Cagna, sur lesquelles elles  considéraient de tous temps avoir des droits et qui constituaient leurs lieux de pacage d'hiver. La réappropriation de ces terrains, donnés en fermage par Bonifacio, avec l'autorisation de Gènes, à une population d'agriculteurs fut très violente. Les conflits éclatèrent sous toutes les formes, impliquant les communautés et les familles. Cela favorisa la transformation de la vendetta, toujours vivace dans les communautés villageoises, en banditisme {mais non en phénomène mafieux, il faut le souligner).  

Mais avant tout il convient de préciser quelques notions que le langage courant à plus ou moins faussées.

1 'Gens', tribu :
 e reprends les définitions de Morgan et Engels. La tribu est une population de même langue et coutumes organisée en 'gens' (ou clan). La tribu, telle que définie par Morgan dans son étude de la société iroquoise, est propriétaire du territoire dans lequel elle est installée ; chacune des gens en exploite sa part. Les décisions se prennent au niveau tribu par délégation de l'autorité de chaque conseil de la gens. Dans la gens originelle parenté et héritage se transmettent par la voie maternelle, la femme choisit son compagnon à l'extérieur de sa gens, a autorité sur les enfants et est libre de rompre l'union à volonté. La gens et la tribu se dilueront au passage à une société pastorale dans la famille patriarcale, cellule de constitution du patrimoine dont les femmes font partie puis à la famille souche mais quelques pratiques essentielles seront encore vivantes et la collectivité villageoise en sera l’héritère. Gènes, pour assoir son pouvoir, unité territoriale administrative rassemblant plusieurs communautés villageoises.
2 L'arringhu  est une relique de la société gentilice de forme et statut proche du dhing nordique. Cette assemblée regroupe tous chefs de familles, hommes, et femmes dans le cas où le mari fait défaut. Elle  affecte l'exploitation des terres de la communauté aux familles et désigne la moitié qui reste à la collectivité. Elle règle les conflits et a un rôle  administratif pour passer les contrats avec des prestataires de services (médecin, forgeron, pédagogue, etc….). J’avais eu vent de cette forme sociale antique et de son fonctionnement. De longues discussions avec Angelin di Beraldina ont confirmé et précisé ce que je savais par ailleurs.
La vendetta est la forme de justice gentilice. Au moyen âge certaines sociétés nordiques mêlaient la justice féodale et le droit  coutumier. En deux mots, le seigneur pendait le meurtrier en vertu de son droit de haute justice et la 'famille' recevait une compensation -le 'droit du sang'- en reconnaissance de son antique pouvoir.
NB :Sur la question de la justice génoise, pendant la période de déstabilisation de la vieille société, il était possible d'acheter, au sens strict,  le droit d'assassiner.

Le niuminiulu est ce nom qui, souvent né d'un surnom, circule par la lignée mâle généralement. Mieux que le nom d'état-civil il permet de positionner un individu dans la communauté villageoise ; les anciens étaient capables de détailler le maquis des parentèles (et donc des devoirs et des droits) pour chaque membre. Le niumignulu tient à la fois du 'cognonem' romain et du nom nobiliaire attaché au majorat dans les familles féodales. Plus tard la famille patriarcale originelle dérivera en famille souche, d'inspiration chrétienne ;elle comprend le père, la mère, le fils aîné, son épouse et les enfants. Elle fonde le droit d'aînesse, voit s'instaurer le renversement du régime dotal et pousse les puînés à se faire avenir et nom ailleurs. Pour mémoire, les romains –les patriciens du moins- disposaient de trois noms. Le nom gentilice hérité de leur gens d'origine, qui marque la filiation de la famille et le prénom personnel. C'est un ancêtre qui est à l'origine du cognonem.

Tout ce mouvement de réorganisation sociale devait ultérieurement conduire à la révolution et à l'indépendance. Pour autant, au moment de l'arrivée de Pascal Paoli, le mouvement n'était pas arrivé à son terme. La forme foncière collective persistait dans nombre d'endroits et là où la parcellisation avait eu lieu elle s'était réalisée le plus souvent sous forme de propriétés de grande taille. Tout le monde ne pouvait en être satisfait. Notons que le document de partage des propriétés d'Aullène à Aullène et Munacia (1830) mentionne que déjà à Aullène une partie des terres étaient propriétés privées ; elles correspondent à la partie sud de la  vallée du Chiuvonu, la plus largement plantée en châtaigners.

Il est plausible de penser que c'est de ce moment que date, sinon l'éclosion, du moins le développement d'une classe de propriétaires terriens. Ces 'sgio' développeront un système fragile de clientèles familiales qu'un journaliste désignera un jour du nom de 'clan'. Cette classe sera conduite par un soutien sans faille à ses intérêts. Dans ses efforts, Paoli aura à connaître de l'opportunisme et de l'égoïsme de ces sgio.  Malheureusement pour l'avenir, celui qui pour les corses reste le 'père de la Patrie', n'a pas eu le temps de régler les grandes questions des équipements publics et de la réforme foncière.

L'invasion française allait mettre brutalement fin aux espoirs vacillants de progrès économique, politique et social en Corse. Les féodaux de Louis XV n'eurent d'autres objectifs que de se faire attribuer par Versailles des domaines seigneuriaux réservés à des familles continentales nobles ou à des familles corses anoblies, avec d'autant plus de facilité que les restes de propriété collective étaient conséquents. Ce fut une politique d'exactions féroces qui explique la diversité des structures sociales entre divers villages actuels, par exemple Levie, Serra ou Zonza.. J'y vois là le principe du sentiment de frustration qui, accompagné d'une  conscience de déperdition culturelle, donne ce caractère spécifique initial de l'identité française du corse où dans un double mouvement se manifeste un attachement fort à la grande patrie et, quelque part, du mal à se trouver français. Une contradiction avec laquelle des générations ont survécu. Si  peux me permettre une digression, je dirais, sans vouloir parler pour les bretons, les basques, voire les franc-comtois ou les alsaciens, que je serai étonné  que ce phénomène soit réservé aux corses.
La Révolution arriva sur ces entrefaites mais la classe bourgeoise continentale –autant que celle commençant à se  constituer dans l'île- n'avait pas d'autres appétits ni ambitions  pour la Corse que de s'y constituer des domaines fonciers. S'ajoutèrent à ces projets mesquins surlignés par des discours dithyrambique –dans une population qui n'avait pas eu le temps de se forger cette identité française marquée par le mouvement des idées du siècle des lumières- toutes les incompréhensions véhiculées par la révolution. De là le refus de la révolution et le recours à l'Angleterre et la constitution du Royaume Anglo-corse.
Nouvelle déception ! les autorités anglaises ramenèrent dans leurs bagages les exilés qui n'avaient d'autres préoccupations que de récupérer leurs soi-disant domaines. Donc retour à la case départ.
Napoléon fit pire. Obsédé par  la conscription militaire il en confia la responsabilité au général Morand, lequel mena sa mission avec une férocité exemplaire. Par contre la  question foncière fut laissée en l'état et aucune politique de développement ne fut mise en œuvre.

Très curieusement une embellie se fait sous la première restauration. L'ancien système villageois, perturbé dans les époques antérieures et confronté à l'exercice stabilisateur du pouvoir central ne fonctionnait quasiment plus. Il fallait d'urgence parcelliser les domaines des communes naissantes. Ce qui fut fait à la fin ultime de la première restauration pour les territoires de la commune d'Aullène à Aullène et dans ce que l'on appelait encore à l'époque 'a Munacia' : la Munacia. Je vois dans la qualité de l'opération, exécutée par les populations d'Alta Rocca, avec discernement et responsabilité, une manifestation de l'esprit qui conduisait les délibérations et décisions de l'arringhu. Par la suite la commune de Monacia fut formée en 1864, sous Napoléon III, lequel continua l'effort d'équipements publics entrepris sous Louis Philippe. De ce moment se dessine pour les corses une base d'identité française. J’estime qu'elle se présente à peu près comme l'avers de l'identité française continentale ; un négatif en quelque sorte.

C'est avec les conquêtes coloniales que les corses constitueront le plus clair de leur attachement à la France. Non sans une lucidité amère envers le sous-développement maintenu par la troisième République, plus soucieuse de tirer de l'île –comme, entre autres, de la Bretagne- des effectifs pour l'exploitation de l'empire colonial. Cela constitua un avatar supplémentaire de la politique continentale.  Défini sur des bases fragiles l'attachement à la France est pourtant réel. L'histoire en témoigne. Le sacrifice consenti pour la première guerre mondiale par la population de l'île - rapport des disparus relativement aux contingents engagés- a été nettement supérieur à la moyenne nationale. Je crois fermement que par quelque contradiction dont l’Histoire est fertile que c’est là que l’attachement définitif se fait ; en gros, les corses ont payé le droit d’entrée, de la même façon que les noirs américains ont payé leur appartenance après la deuxième guerre mondiale.
Le sentiment s’est renforcé au point que, pendant l'occupation italienne la politique d'annexion de Mussolini jettera toute la Corse dans la résistance. Maurice Choury -"Tous bandits d'honneur"-  annonce plus de 120 morts du coté des résistants –pour 30 du coté des troupes alliées engagées- dans les combats de la libération. Une réflexion : est ce de ce temps que les corses sont définitivement attentifs à la moindre expression de l'irrédentisme italien ?
Après la seconde guerre l'empire colonial s'écroule, entraînant dans sa chute la part essentielle de l'identité française des corses. La conscience toujours présente d'avoir été dupés s'exacerbe avec l'arrivée des 'pieds noirs' auxquels le pouvoir de l'époque donne priorité pour la répartition des terres et de l'eau. Tout était en place pour la dérive nationaliste. Cela se conjugue avec un malencontreux 'succès' de l'île, avec son bord de mer et ses paysages de montagnes somptueux, comme paradis de résidences estivales et de tourisme. La question foncière toujours présente était relancée, avec comme accélérateurs une réserve de terrains conséquente et, en supplément, dans un bassin méditerranéen singulièrement déficient dans le domaine, de l'eau en quantité. Tout était en place pour les convoitises qui n'allaient pas tarder à se manifester. C'est là le lieu où se développeront toutes les manipulations engageant autour des 'professionnels' ceux qui se définiront comme nationalistes, organisés en clans mouvants, et une mafia –on peut maintenant le dire ainsi- issue du gangstérisme originaire de l'île.
Voilà l'histoire qui donne des indications concrètes sur ce que j'appelle la 'page blanche'. Point si blanche cette page, on pourra le constater, mais suffisamment différente du paysage rural et mental organisé par la féodalité dominante sur le continent depuis le 10ème siècle jusqu'à la fin du 18ème  pour introduire chez le visiteur un sentiment d'étrangeté. Cette première conclusion me conduit tout droit à examiner ce qu'il en est pour mes deux villages d'Aullène et de Munacia.

La loi de l'illustration par les exemples d'autres lieux
Il semble malheureusement que la proximité des choses n'en favorise pas l'examen. J'ai longtemps fait avec des bribes de savoir qui ne répondaient à aucune des questions que je me posais. Pire ; je me satisfaisais d'avoir entendu dire que les aullènois avaient livré bataille pour des parcelles de terrains, que la première installation permanente à Munacia s'est faite dans une relative clandestinité (il y a eu un moment où le rapport de force entre Bonifacio et l’Alta Rocca étant insuffisamment favorable, les maisons nouvelles étaient couvertes de paille coté mer, la couverture en tuiles ouvrant seule des droits) que le partage foncier était tout récent. Je ne dirai rien sur ma  motivation du moment pour poursuivre. Il a fallu les évènements des années 80 et 90 pour me conduire à tenter une exploration des sources de ma propre identité. L'insuffisance des résultats initiaux m'a poussé à une méthode de contre-exemple. J'ai bien sûr beaucoup lu. Lu et relu Engels et Morgan pour le fonctionnement des sociétés tribales, Rovère et Casanova pour une analyse pertinente et parfois contestable de la société corse sous Pascal Paoli, Caratini pour un synopsis historique qui sur des points importants -constat de la politique anti-féodale de Gènes en particulier- ouvre des perspectives, Léoni pour son choix perspicace des éléments et évuènements significatifs. Cela m'a permis de fixer quelques idées fortes.
Par ailleurs je me suis rendu compte que d'autres 'pays' du continent ou de sociétés d’ailleurs poussaient à s'interroger. Parmi d'autres exemples :
- la forte prégnance dans le paysage de l'imaginaire bourguignon de la féodalité,
- l'adéquation à la tradition patriarcale de l'architecture des maisons traditionnelles de la Bresse,
- la permanence jusqu'à une date récente de la vendetta dans quelques sociétés d'Afrique du nord, des parallèles plausibles entre la société navajo et la corse,
- l'extrême relativité d'un caractère méditerranéen,  à comparer le rôle des diverses mafia du sud de l'Italie et la Sicile et leur totale absence dans d'autres régions… autant de biais pour aborder une réalité toujours prête à se diluer dans les combles de la subjectivité
- le caractère 'français' d'autres régions –la Vendée, Dauphiné, Franche-Comté, Languedoc, Cévennes...
J'ai discuté avec d'autres corses habitant d'autres villages, des différences 'urbanistiques', architecturale, très nettement décelables. J'ai interrogé sur les 'niuminiuli', le vocabulaire, les techniques agricoles.
Tout cela m'a permis d'avancer l'idée, en comparant avec d'autres régions autrement marquées dans leurs paysages ruraux, urbains, voire mentaux, combien la Corse devait à cette absence de la féodalité. Il est par exemple évident que le moins lucide des seigneurs féodaux aurait pour des raisons strictement stratégiques tranché dans la tradition et mis fin à la vendetta, marqué son paysage de monuments représentatifs de sa puissance, laissé quelques reliques toponymiques. A contrario, dans ces deux territoires d'Aullène et de Munacia, peu de vestiges.  A Aullène, quelques pierres alignées sur le flanc sud de Punta Addarata –restes, pour certains, d'un château détruit -, une histoire de cloches de l'église d'Aullène cachées par les populations locales à l'occasion d'une incursion mauresque -quelques gamins du village se souviennent d'un jeu où en se déplaçant vivement sur une grosse pierre du Campanagghiu on obtenait un son argentin. A Munacia les fondations de santa Monica et la maison qui aurait servi aux moines, une légende à propos d'un seigneur allemand qui voulait faire valoir un droit de cuissage et son meurtre par un ingénieux berger très amoureux de sa promise. Rien de plus ! le blanc! Pire ; il y n'y a aucune mémoire de ce que pouvaient représenter ces restes insignes. Autant la moindre ruine d'un village bourguignon est répertoriée et n'a rien perdu de sa signification, autant l'équivalent corse est hors de mémoire. Qui a construit les hameaux du Maracunceddu et de la Pitrosa ? qui a muré la quarantaine de grottes sur les crêtes du Castellu ? quand ? pour quel usage ? personne ne peut le dire. En comparaison, datant du 10ème siècle la grotte de Saint Romain près de Beaune livre encore des indications précieuses sur l'histoire du lieu et les conditions d'émergence d'une caste de seigneurs locaux qui liquidera ce qui pouvait demeurer d'interprétations ethniques –francs nobles et gaulois serfs. Il faut donc s'essayer à réinsérer ces vestiges d'une vie passée dans ce que l'on sait de l'histoire pour leur donner une hypothétique signification. 




Le passé d'Aullène et de Munacia

Aullène

Le nom du village de montagne est marqué d'une dérive linguistique séculaire. Un jour mon père m’a dit « et toi tu crois savoir parler le corse et tu ne sais même pas comment se prononce le nom de ton village ». j’étais bien sûr très vexé. Mais j’ai appris de longtemps à écouter. Donc, du temps de la génération de mon  père, on ne disait pas Auddè, comme je le pensais, mais Audjè, avec l’accent tonique sur le ‘u’ comme antépénultième syllabe, puisque en corse le mot a trois syllabes, donc A-u-djè.
La plus ancienne appellation était probablement proche d’Augdè (figurant dans des documents retrouvés à l’église) et formé, comme Agde, Aix… à partir du radical acqua, eau. On notera que la prononciation du nord –Aullè- liquide totalement quelque relique radicale que ce soit. C'est pourtant là que se formerait l'appellation française 'Aullène'. Celle ci produit un phénomène linguistique. Dans Augdè ou Audjè l'accent tonique, on l’a noté’ se place sur la deuxième syllabe La dénomination française introduit un faux accent tonique sur la dernière syllabe (le français n'en compte que deux ) le 'lè' qui introduit la forme actuelle Auddè avec un 'dè' dur . Au passage un phonème particulier que je ne sais comment placer en phonétique 'dj' est supprimé. C'est un son doux avec une inflexion mouillée. Pour mémoire on évoquera une racine grecque ancienne qui évoquerait un carrefour, ce qui correspond à la topographie accidentée de l'Alta Rocca ou à l’arabe ‘ud’, cheval.
Le site, riche en sources, est constitué par la longue vallée encaissée d'une rivière au nom  qui a évolué. Le Rizzanèse, le Scopamène, maintenant et suite à l'enquête de l'IGN, source d’erreurs si l’on en croit le regretté Angelin di Beraldina, le Chiuvonu. Par ailleurs  Aullène exploite la petite partie nord du plateau du Cuscionu. C'est la plus mauvaise part du territoire de l'Alta Rocca. Seule la position de passage obligatoire justifie le relatif succès économique de la communauté. La foire d'Aullène venait juste après la Santa du Niolu par l'affluence, le 'volume des affaires' et plus tard la fête et son cortège de manifestations populaires (bal, tournoi de foot, courses, jeux d'argent). Je me souviens précisément que dans la maison de l’Andriacciu que nous habitions à l’époque, la famille tenait tripot de poker.

Aullène, premier temps.
L'activité économique était sans doute, avant les grands chamboulements, essentiellement pastorale. Ces gens élevaient porcs et  vaches pour la viande, bœufs pour la charrue, brebis et chèvres pour le fromage, le lait et le brocciu. Ajoutons les chevaux, ânes et mulets pour les transports. L'impulsion générée par la foire permettait sans doute d'arracher la vie villageoise à la simple autarcie. C'était néanmoins une économie de subsistance quasiment absolue. Les céréales étaient produites en quantité à peine suffisante par la technique éreintante du 'debbiu' ; les jardins et vergers permettaient de compléter les ressources alimentaires, la chasse et la pêche d'apporter un supplément bienvenu en protéines. L'espace était ouvert, en relation avec le caractère collectif de la propriété, l'habitat initial dispersé était constitué de maisonnettes rudimentaires, les 'caseddi'. L'église du 14ème siècle se trouvait au centre le plus accessible où se forma certainement le premier hameau d'Arghjola.
A la mauvaise saison les troupeaux de bovins des aullènois pacageaient en bord de mer, sur le territoire de la Munacia. J’imagine que les bêtes étaient confiées à des bergers, jeunes gens originaires de la communauté. Il est également possible que des bergers d’ovins d'autres régions aient loué des droits de pacage à la collectivité villageoise ou que des propriétaires terriens aient été propriétaires de troupeaux d’ovins confiés à des bergers professionnels. Ceux des pastori qui louaient des terres transhumaient l'hiver dans d'autres lieux (Bonifacio ou l’Istria), si l'on s'en réfère à ce qui se passait et dont ceux de mon âge ont été témoins.

J’imagine que les troupeaux de bovins –élevage noble par excellence et chaque famille se devait par prestige d’en avoir un- étaient confiés pour l’hiver aux jeunes gens de la communauté villageoise. On ne sait comment vivaient les bergers aullènois dans leur résidence d'hiver. Est ce de ce moment qu'ils murèrent en pierre bien taillées les surplombs rocheux -de la Pitrosa entre autres- pour s'y constituer des abris à caractère troglodyte, 'i sapari'.  En tout cas l'emplacement de la grande majorité de ces sapari et leur environnement suggère une exploitation strictement pastorale mais rien ne permet d’affirmer que les enclos à moutons et chèvres soient édifiés au même moment.
Nous avons donc, en principe, à ce moment, relativement à l'occupation des deux sites, un fort contingent résidant permanent à la montagne dont une partie -garçons et jeunes hommes- transhument en un cycle annuel de la mer à la montagne pour le soin des troupeaux de bovins.

 

Munacia

Munacia est situé sur l'espace dessiné par les deux vallées, séparées par un plateau au relief assez doux pour la région, du Spartanu et de la Cioccia. La communauté dispose également d'un vaste  bord de mer qui va de Chevanu aux abords de Roccapina. C’est la partie ouest de Pian d’Avretu.
Le passé ? Nous ne sommes certains de rien. Il y a des restes de présence néolithique, des stèles réemployées dans les murs, une coupe sacrificielle taillée dans une pierre inconnue dans le lieu, des histoires de sarrasins, la légende de Orsu Alemanu déjà mentionnée, le souvenir d'une épidémie. Pas de traces d’occupation de romains. Donc, depuis le néolithique jusqu’au moyen âge, pas de présence humaine. Une page blanche s’ouvre très tôt. Comme ce vide qui prévaut sur le continent entre le 5ème et le 10ème siècle et se poursuit sur l'île pendant les siècles ultérieurs ; la 'page blanche'. La tradition orale est comme partout entachée de toutes les subjectivités qui se sont succédées. Sainte Monique, mère de saint Augustin, aurait fait un séjour à la Munacia et aurait donné son nom à un lieu dit où a été construite une chapelle, au dessous de la 'tegghja'. J'y ai participé à des fouilles ; nous y avons trouvé une 'arca' et, le long des murs, à l'extérieur, deux squelettes. Plus tard une étudiante fera du lieu son sujet de thèse. J’en détiens un exemplaire ; ceux qui l’on incitée à en faire son sujet de thèse auraient dû l’informer que le site avait déjà fait l’objet d’une étude menée par Claudette Nicolaï.
En contrebas coule une fontaine abritée par une voûte qui porte le nom de santa Monica. Des moines auraient installé dans ce lieu un couvent. Des templiers, dans certaines versions, qui y avaient une halte, signalée en mer par l'archipel des Monaci. Selon ces sources la maison monacale est encore debout, auprès des ruines de la chapelle. Elle se signale par quelques croix de l’ordre du Temple gravées dans les montants de la cheminée. Elle est encore habitée. Ces moines ont donné à cette partie de Pian d’Avretu le nom de la Munacia. Quelle date ? le 11ème siècle ? parce que c'est la période de référence des croisades ? rien n'est resté dans la tradition qui donne des indications sur les hameaux du Maracunceddu et les quelques autres aux flancs des diverses collines qui enserrent le site ni des sapari murées sur les crêtes. Celles ci ont pourtant été habitées jusqu'à une époque récente. Les plus anciens se souviennent d'une vieille femme du village qui faisait paître ses brebis sur le sommet de Grussetu pendant la dernière guerre.
Le mémoire de maîtrise d'histoire de mademoiselle Chantal Pélissier témoigne de ces difficultés. La rédactrice ne mentionne Aullène que pour mémoire et donne imprudemment aux grottes –il ressort de la lecture du mémoire qu'elle ne les a pas visitées- une origine préhistorique. Elle signale les hameaux, forme initiale de l'habitat avant la concentration  sur le hameau de Munacia, et estime leur abandon au 18ème siècle. Elle a fait un travail de recherche conséquent sur ce qui était disponible en apportant des pièces intéressantes –sentences de justice et actes divers. Ces archives témoignent de la présence de fermiers installés avec l'accord de Gènes par la communauté de Bonifacio sur le territoire. Autant d'éléments concordants avec la tradition de luttes menés par Aullène pour la possession des territoires de la Munacia. Je signalerai à l'appui de cette revendication des  montagnards que le plan Terrier paru en 1794 mentionne le territoire comme 'région sur laquelle les aullènois ont des droits'.

Munacia, période moderne.
Cette appellation couvre les périodes troublées qui ont été marquées par la réappropriation des territoires de bord de mer par les aullènois jusqu'à nos jours, puisque nombre de gens originaires de la région se présentent encore actuellement à la fois comme 'munaciacci' et 'auddaninchi'.
Donc on peut imaginer pendant des années, habitant les hameaux de la Munacia, une population cultivant la terre pour le compte de Bonifacio et pendant la saison froide quelques dizaines de bergers délégués par la communauté d'Aullène pour surveiller les troupeaux à partir d'une quarantaine de grottes aménagées sur les sommets et autres lieux escarpés. On peut se demander si les cultivateurs affermés par Bonifacio l'ont été dans une période plus ancienne ou au moment du développement de la politique des cinq arbres initiée par la présidence génoise laquelle nécessitait des terres à prélever sur le commun, d’où les troubles à venir. Une datation précise sur ce qui reste au Maracunceddu donnerait une indication précieuse. En tous cas la décision de Gènes de modifier la structure foncière –pour des besoins de rentabilité évidents et dans un temps de déclin de la Superbe- a tout ouvert une période de conflits. Les incursions violentes des communautés d’Aullène et de Zirubia dans ce territoire du bord de mer géré par Bonifacio sont historiquement recensées. Il restera quelque chose de cette domination puisque dans mon enfance, quand quelqu’un annonçait qu’il se rendait à Bonifacio, on lui demandait « ara baja u culu d’a vecchia ?’ ‘tu vas embrasser le cul de la vieille ?’ sans doute une histoire d’octroi à l’origine.
Quoiqu'il en soit les deux populations, l'une plus abondante et permanente, l'autre transhumante, plutôt mâle et jeune,  ont vécu en même temps sur le site. Qui peut prétendre qu'elles se soient ignorées et que, malgré les conflits, une raison impérieuse se soit opposée à une fusion dans les décennies qui ont suivi ? Il est possible également que la population des hameaux, dont l'avenir tenait à la bonne volonté de la cité de Bonifacio, ait en masse quitté le site au moment où le rapport de force évaluait en faveur d'Aullène et de l'Alta Rocca. Rien ne permet d’avancer quelque hypothèse que ce soit.

L'histoire n'est pas achevée. Il faut que les gens de la montagne s'installent complètement. Cela se produit à un moment donné, sans doute. Il semblerait que le pouvoir révolutionnaire, soucieux d’effacer un minimum de reliefs féodaux ait balayé ce qu’avait organisé Gènes avec son commensal Bonifacio. Pendant des décennies des petites gens disputent la terre à d'autres qui prétendent qu'elle est leur ; un cataclysme social se produit dans un lieu indéfinissable – c'est loin, Paris- pour ces populations  du bout du monde et le rapport s'inverse. Ceux qui étaient installés sur le sol sont obligés de reconnaître leur défaite. Il ne s'agit pas de morale sociale, ni de sympathie pour un bord ou pour l'autre. Après tout ne serions nous pas des descendants des uns et des autres ? j'imagine mal pour ma part que ces deux populations n'aient pas cohabité, frayé ensemble au point de composer un jour une population unique. Comme l'expérience des sociétés humaines le prouve, la situation était plus ouverte que ne pourrait le laisser supposer une relation trop 'raide' des positions des uns et des autres. Je suppose –je souhaiterais presque que fréquentes aient été les occurrences où un berger aullènois aient décidé de déposer, à la faveur d'une rencontre amoureuse, sa besace de transhumant  et ait pris la suite d'un  beau père fermier. Quoiqu'il en soit le moment était favorable à la concentration de l'habitat. La dispersion dans des hameaux dispersés aux flancs des collines était révolue. Le hameau de Munacia devenait central. Cela se faisait au gré d'une transformation qui affectait surtout la moitié de population montagnarde. Le phénomène gagnerait à être étudié dans le détail. La position de Bonifacio envers le pouvoir révolutionnaire était-elle de nature à provoquer une suspicion et cela aurait été favorable aux montagnards ? Est ce même la bonne question ? je remarquerais que les terrains de la communauté d'Aullène étaient déjà en partie privatisés et que nombre de chefs de familles étaient tenus de trouver une solution dans leur opération de survie. Toujours est-il que les aullènois s'installent –comme tous ceux d'Alta Rocca dans leurs 'plages' respectives-  au bord de mer. Pendant quelques décennies cela se fera sur les bases communales initiales. La commune d'Aullène était définitivement propriétaire –comme tous ceux d'Alta Rocca pour leurs 'plages' respectives- des territoires de bord de mer de la Munacia. C'est l'heure de partager la terre. Le territoire communautaire sera divisé en parcelles de valeur égale. Elles seront attribuées par tirage au sort à tous les chefs de familles demandeurs  –trois cent dont on pourrait encore retrouver les lignées si l'on faisait un historique précis du foncier- lors du partage de 1829. Les motifs des initiateurs de l'opération sont louables. Il ne s'agissait pas de donner des terrains à des gens qui à terme seraient poussés à vendre mais de pourvoir des familles désireuses de vivre au pays et d'y prospérer. Le lotissement et la distribution des lots ont certainement été facilitées par ce qui restait dans les mentalités et les mémoires de la pratique de l'arringhu.  De ce moment s'installe un mode de vie différent qui ne laissera néanmoins pas de conserver une forte tendance de solidarité.
Je mentionnerai –mes lecteurs me concèderont cette facilité- que j’ai eu en mains, sur un papier d’une qualité inconnue, une vue d’artiste de Munacia en 1848. J’aimerais que la famille qui détient ce bien commun le restitue à la municipalité.

Je supposerais que ce partage sanctionnant l'accession à la propriété foncière a marqué très fortement le paysage et les mentalités. Le bien foncier est trop récent pour ne pas être marqué fortement dans le patrimoine. C'est peut-être la raison du marquage indélébile des parcelles par ces cimetières familiaux. Par contre, contradictoirement pourrait-on dire, on relèvera que la reconnaissance large de droit de passage sur les propriétés et la divagation des animaux témoignent de l'ancienne régime de propriété collective de la terre.

La transhumance double.
Voilà ce qu'il en advient. Les deux sociétés cohabitantes au rythme des saisons laissent place à une société unique qui s'adapte à un mode d'exploitation singulier. L'économie pastorale dominante de montagne et l'activité plutôt agricole du bord de mer laissent place à une activité mixte qui exploite annuellement le patrimoine collectif, sur un mode de petite culture vivrière à la montagne et agricole plus prononcé au bord de mer. Ainsi cela aboutit à une transhumance qui affecte toute la population. L'hiver et le printemps se passent au bord de mer où peu à peu on plante vignes et oliviers, l'été à la montagne où on cultive les jardins et on prépare les châtaigniers. Les vendanges ramènent tout le monde au bord de mer pour quelques semaines et le cycle s'achève par une brève période montagnarde au moment de  la cueillette des châtaignes.
Ce rythme a perduré jusqu'aux années cinquante. Le mode de vie d'après guerre y mettra fin. Par la suite les aléas historiques du continent et sa politique pour la Corse vont faire table rase de tout cela. A la fin de la guerre il y aura un fort mouvement de plantation de vignes dont la production est de plus en plus destinée à la vente. Cela durera dix ans. Pendant ces années Aullène prendra des allures de petite ville d'eau. Tout ce qui vient de la montagne est meilleur, des pommes de terre à l'air. Le bord de mer est déserté dès le mois de mai. Il faudra attendra les adductions réalisées pendant les années 60 pour qu'une partie de la population accepte d'y passer l'été. Puis la mode de la plage fera son œuvre. Les terrains de bord de plage, souvent indivis par manque d'intérêt économique, prendront une valeur foncière intrinsèque. La construction de la quatrième et dernière couche d'habitations du site de Munacia pourra commencer. Pendant ce temps Aullène sera frappé de désaffection et sa population permanente tombera à quelques dizaines de personnes. C'est maintenant à Munacia que résident majoritairement ceux qui restent au pays des descendants des trois cents bénéficiaires de départ. Mais là aussi le paysage marque le déclin d'une activité agricole, autrefois laborieuse sinon prospère. Il faut maintenant l'œil expert d'un ancien pour remarquer dans le maquis l'emplacement d'un débbiu ou celui d'une ancienne arghjia, autant de traces de moins en moins visibles d'une société révolue. 

C’est cela qui est à l’origine de ce petit fascicule. Ces gens qui ont fondé ce mode de vie ont aujourd’hui disparu, avec ce qu’ils ont su créer, souffert et aimé, et qui a dépassé le temps de leur vie humaine. C’est ce qui  fait notre attachement, à nous, ultimes témoins, au souvenir de cette société qui a tant vieilli dans un laps de temps infime. Je ne veux pas nous faire meilleurs que les autres. Cette société avait ses duretés, ses jalousies, ses drames. Mais, pleine et entière, elle avait aussi ses solidarités et ses douceurs. Nos vieux ne vivaient pas à part. Le plus souvent, excédés par nos criailleries et toute la poussière de nos chamailleries d'enfants turbulents ils nous chassaient, sourcilleux sous leurs chapeaux de feutre noir, agitant des cannes impatientes. Du moins savaient-ils, pour l’avoir connu, le plaisir que nous avions à nous réfugier dans leur odeur de gros velours et de tabac corse, et à nous escrimer à deviner leurs confidences murmurées à mots couverts. Puis un adulte nous envoyait faire une course. Il nous fallait alors, bon gré mal gré, interrompre nos jeux, aller  dare-dare chercher  un paquet de cigarette pour l’oncle, ou le voisin, ou quiconque d’autre en panne de tabac, ou à la fontaine pour une zia. En contrepartie la surveillance de nos escapades quotidiennes était de la responsabilité de chaque adulte et il nous fallait encore obtempérer. Et puis on nous appelait aussi pour une distribution de délices paysans, fiuroni à la saison, noix ou fruits secs.

Toutes et tous nous sommes le fruit du dur  labeur de gens  simples. Ils ne sont plus là mais ce sont elles et eux qui ont sarclé ces vignes dont on devine encore la présence, aménagé les rigoles qui menaient l’eau aux jardins, soigné les châtaigniers, pétri et cuit le pain, élevé ces murets de séparations des cjiosi après le grand partage de 1829, creusé les puits, construit les maisons et muré les sapari, mené des vies de bêtes de somme  sous le carcu di ligni. Ils se sont épuisés en debbii, égratignant à la force des reins le rugueux sol de nos taddi pour de maigres récoltes. Cette abnégation était de tous les jours, de toutes les circonstances. Aux jours les plus noirs ils ont su lutter contre l’occupant italien et allemand, ravitailler les jeunes gens au maquis. Tout cela mérite bien qu’on fasse l’effort de mesurer et d’illustrer les difficultés et les peines qu’ils ont eues, ce qui implique une restitution concrète de ce passé.





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